L’euphraise, pour le bien-être des yeux

Surnommée casse-lunettes, l'euphraise est traditionnellement utilisée pour soigner les yeux, renforcer la vue et combattre la fatigue oculaire. Elle offre une solution naturelle contre les conjonctivites, les allergies saisonnières et les troubles visuels liés à l'exposition prolongée aux écrans.

L'euphraise recèle des trésors pour qui prend le temps de l'observer de près.

Une fois n’est pas coutume, l’histoire n’a pas retenu pourquoi diable le nom de l’euphraise dérive du grec euphrasia, qui signifie gaîté ou bien-être. Espèce très polymorphe, cette variété de la famille des orobanches réunit plus de vingt représentantes, toutes de petite taille. La plus grande ne dépasse guère 20 centimètres. Comme celle des orchidées, la fleur de l’euphraise, qu’on appelle aussi «casse-lunettes», est zygomorphe. Ce terme à la sonorité sifflotante signifie que son côté gauche et son côté droit sont parfaitement symétriques, un vrai chef-d’œuvre qui mérite d’être observé à la loupe. Sa lèvre supérieure est souvent lilas, alors que sa partie inférieure est parsemée de taches jaunes, couleur que l’on retrouve dans sa gorge.

Une grande "voleuse de lait"

On rencontre l’euphraise surtout en montagne, jusqu’à 3000 mètres d’altitude. Elle pousse dans les prairies très maigres et les bas-marais. Pour les paysans, sa présence signifie que les bêtes n’auront pas grand-chose à brouter. D’où ses noms populaires de «voleuse de lait» ou, en allemand, de Heuschelm (voleuse de foin) et de Gibinix (je ne donne rien). Cette mauvaise réputation, l’euphraise l’a héritée de sa famille: les Orobanchacées s’accrochent aux racines de plantes hôtes et, au sens littéral, en sucent l’énergie (eau et sels minéraux). Comme ses cousines, l’euphraise est pourvue de nombreuses petites racines tueuses. Son système radiculaire envahit les herbes voisines et les vampirise jusqu’à extinction. Un carnage souterrain qu’on a de la peine à concevoir en observant les jolies petites fleurs en gueule-de-loup de celle qu’on connaît aussi sous le nom d’euphraise de Rostkov, un médecin allemand du XVIIIe siècle. Comme elle s’attaque de préférence aux graminées, les pâturages qu’elle envahit ont mauvaise mine, l’herbe s’y faisant rare.

Lors de rhume des foins

Mais la canaille des prairies maigres n’a pas que des défauts. Si on lui reconnaît bien des tares, son surnom allemand d’Augentrost (qui console les yeux) n’est pas usurpé. Sensuelle et immorale – et pourtant bienfaisante, la tueuse de racines aux lèvres pulpeuses est très utile en cas d’inflammation des yeux, de conjonctivite et de paupières douloureuses. Elle est d’un grand secours pour les individus sensibles aux pollens et souffrant du rhume des foins. L’euphraise calme en effet les irritations dues aux allergies. Elle fortifie la vue des personnes qui passent de longues heures devant les écrans d’ordinateur et soulage lors de fatigue oculaire. L’«herbe aux myopes» est également efficace en cas de sinusite, ainsi que d’affections des voies nasales et de l’oreille.

Elle apaise les mirettes

Ces propriétés bénéfiques s’expliquent par la présence de nombreux principes actifs dont des tanins. L’industrie pharmaceutique ne pouvait voir que d’un bon œil les vertus antidouleurs, hémostatiques (anti-saignement) et désinfectantes de l’euphraise. Une multitude de spécialités est apparue sur le marché sous forme de pommades ophtalmiques, de collyres et de sprays. Mais un simple bain oculaire à partir d’une infusion des sommités fleuries suffit pour obtenir un résultat efficace. Ah, la joie de retrouver des yeux apaisés! Et si l’origine grecque du terme «euphraise» venait de ce bien-être recouvré?

Macération solaire d'euphraises dans notre droguerie d'alpage au Cousimbert.

Utilisation

Récolte. Les fleurs d’euphraise fleurissent de la mi-été à la fin de l’automne. Cueillir la plante sans la racine ni la tige inférieure, de juin à août. Faire sécher à l’ombre, en dessous de 40 degrés.

Tisane. Contre le rhume de cerveau. Infuser 5 minutes dans une tasse d’eau bouillante 1 cuillerée à thé de l’herbe séchée et coupée. Filtrer et boire 2 à 3 tasses par jour entre les repas.

Usage externe. Contre les irritations et inflammations des yeux et de leur pourtour. Préparer une décoction avec le même dosage que pour la tisane, mais faire cuire 10 minutes. Laisser tiédir et se laver les yeux. Utiliser une baignoire oculaire ou un verre à liqueur avec un bord résistant.

Ce texte est tiré du livre Les secrets du druide 1 – Voyage dans l’herbier médicinal de Claude Roggen, publié aux Editions du Bois Carré et en vente dans les drogueries Roggen, ainsi que sur notre boutique en ligne.

 >> Ecouter le podcast du MAG de Radio Fribourg  avec Emanuel Roggen, qui parle du lierre (lien disponible dès mercredi)