Utilisée traditionnellement pour soigner la goutte, l'égopode ou herbe aux goutteux peut être consommée en salade ou cuite, dans un gratin.
Voici encore une plante dont le nom résume l’usage: l’herbe aux goutteux est efficace contre la goutte, cette affection douloureuse qui touche les articulations des doigts et des pieds. Cette forme d’arthrite cause des grosseurs qui déforment les zones touchées au point de bloquer les mouvements et de rendre tout déplacement horriblement douloureux. Dans le nom latin d’Aegopodium, aego signifie beau, podium désigne le pied et podagra se réfère à la goutte.
Cette affection est étroitement liée au mode de vie: ce sont généralement les bons vivants, qui aiment manger et boire un verre, qui sont touchés. Pour la prévenir, on conseille de surveiller son alimentation, d’éviter la charcuterie qui contient de l’azote et tous les excès qui élèvent le taux d’acide urique. Il faut notamment réduire la consommation de protéines animales, surtout d’origine porcine. Le café, le thé noir, le vin blanc et les sodas sont également à proscrire. Une fois que la goutte s’est installée, elle aura du mal à vous quitter. Le corps est alors comme un fût prêt à déborder: il suffit d’une petite marche ou de trois pas de danse et la crise se déclenche.
Le surnom allemand de l’égopode, Baumtropfen (goutte d’arbre), indique où la plante pousse. Pareille aux gouttes qui tombent de l’arbre, l’herbe aux goutteux pousse sous leur ramure – jamais au milieu d’un pré. On peut la ramasser sans crainte: elle garnit nos sous-bois par tapis entiers; on pourrait presque la faucher. Dans le monde paysan et autour des villas, elle est considérée comme une mauvaise herbe, tant elle est envahissante: pour l’éliminer, il faut arracher du sol le moindre morceau de racine, sans quoi la plante repousse.
La tige de l’herbe aux goutteux, creuse et cannelée, mesure entre 30 et 90 centimètres de haut. Elle fleurit de façon discrète, déployant des ombelles blanches tirant sur le jaune verdâtre. Ses feuilles, cueillies jeunes, sont délicieuses en salade ou cuites comme l’épinard. Mais attention, parmi les nombreuses cousines de l’égopode, il y a de vilaines empoisonneuses. Une astuce pour ne pas se tromper: les Apiacées toxiques (la cigüe, par exemple) ont des feuilles finement découpées, alors que celles de l’égopode sont plus larges. C’est d’ailleurs cette forme qui a inspiré son nom allemand, Geissfuss (sabot de chèvre), ainsi qu’une ribambelle de surnoms en français: pied de bouc, de chèvre, de biche ou même d’aigle.
L’efficacité médicinale de l’herbe aux goutteux repose sur un savoir empirique. La teinture mère, fabriquée à partir de la plante fraîche, associée à celle de boutons de pivoine, est employée en usage externe sous forme de pommade, d’émulsion ou de gel pour soulager la goutte et l’arthrite. On peut aussi l’appliquer directement en embrocation ou, mieux encore, en compresse. Enfin, si la zone concernée est si sensible qu’on peut à peine la toucher, les bains de mains ou de pieds apportent un soulagement tout en douceur.
Utilisation
Récolte. On cueille les feuilles de fin avril à fin juin.
Teinture mère. Essentiellement utilisée en usage externe.
Bains de pieds (ou de mains). Faire cuire deux bonnes poignées de la plante fraîche dans un litre d’eau. Laisser infuser cinq minutes, filtrer et verser dans une cuvette. Faire un bain de pieds durant au moins 15 minutes, à répéter chaque jour.
L’anecdote de Claude
La rançon de l’égalité
«Quand j’étais étudiant, dans les années 1960 à Neuchâtel, on disait que la goutte touchait une femme pour 20 hommes. Aujourd’hui, on en est à sept femmes pour 20 hommes. C’est la rançon de l’égalité: en gagnant leur juste place dans la société, les femmes en ont aussi adopté les excès.»
L’astuce de Claude
Un baume pour l’oignon du pied
«Comme mes deux sœurs, j’ai hérité de ma maman une affection bénigne mais douloureuse: l’hallux valgus ou oignon du pied. Je soigne cette déformation du gros orteil en appliquant un lait à base d’égopode et de pivoine (à faire préparer par son spécialiste). Chaque jour, je masse légèrement mon pied. L’inflammation et la douleur s’amenuisent et l’oignon a tendance à régresser.»
Ce texte est tiré du livre Les secrets du druide 1 - Voyage dans l'herbier médicinal de Claude Roggen, pp. 157-159, Editions du Bois Carré, Domdidier, 2016. En vente dans les drogueries Roggen et sur notre boutique en ligne shop.roggen.ch
>> A réécouter, LE MAG de Radio Fribourg du 20 février 2024 avec Emanuel Roggen, droguiste diplômé - vers le podcast